Saint-Maur et l'Histoire de France

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Saint-Maur et l'Histoire de France

Du XVIe au XVIIIe siècle, le sort de la « butte » du Vieux Saint-Maur est souvent lié à l'histoire de France. Nommé par François 1er abbé commendataire de Saint-Maur et évêque de Paris en 1532, le cardinal Jean Du Bellay, ambassadeur du roi à maintes reprises à Rome ou à Londres, obtient du pape la suppression de l’abbaye et sa transformation en collégiale de chanoines dont il réunit les revenus à l’évêché. Il est voisin de Guillaume Budé, savant humaniste, qui a bâti un manoir à Saint-Maur et convaincu le roi de créer le futur collège de France. Le cardinal fait fermer la boucle de la Marne d’un long mur pour y constituer une réserve de chasse. Détestant le logis abbatial humide, il fait entreprendre en 1539 par Philibert De L’Orme, l’un des grands architectes de la Renaissance, une nouvelle résidence sur la butte située au-dessus de l’abbaye. Il crée le Grand Parc et le Petit Parc et ajoute un jardin méditerranéen arrosé par l’eau de la rivière, élevée grâce à une pompe hydraulique. En 1544, François 1er séjourne un mois dans ce site magique dominant la plaine, avec une vue superbe sur la Marne. Il y chasse avec le cardinal.

Jean du Bellay reçoit ses amis à Saint-Maur : il accueille notamment les poètes Macrin, Michel de L’Hospital, futur chancelier de France, Joachim Du Bellay, son petit cousin, Rabelais qui y achève son Quart Livre, le cardinal d’Este, le roi Henri II, Diane de Poitiers, la duchesse d’Étampes ou la petite Jeanne d’Albret, future reine de Navarre à qui il fait découvrir les bords de Marne. Le cardinal, repartant pour Rome, résigne son évêché en faveur de son petit cousin Eustache Du Bellay (1551-1563), qui poursuit les travaux du château.

Mais en janvier 1564, la reine Catherine de Médicis recouvre la terre de Saint-Maur par voie d’échange et charge de L’Orme d’agrandir le château, augmenté de pavillons et de galeries puis couronné d’un large fronton. Pendant vingt-cinq ans, Saint-Maur devient l’une de ses trois résidences préférées. Elle y a séjourné 132 fois, avec Charles IX puis avec Henri III et la cour, qui se loge tant bien que mal dans le village. Elle laisse le château inachevé et de lourdes dettes en 1589.

Ses créanciers provoquent la vente du château, qu’Henri IV fait attribuer en 1598 à Charlotte-Catherine de la Trémouille, veuve de Henri 1er de Bourbon, prince de Condé. Son fils est l’héritier présomptif du trône, le roi n’ayant pas encore d’enfant. Ce dernier s’y invite volontiers avec son ministre Sully. Louis XIII vient y chasser. Puis le Grand Condé, qui a sauvé la France quelques années plus tôt de l’invasion espagnole, s’y retire pendant la Fronde avec ses partisans. À son retour d’exil, il s’installe à Chantilly et cède l’usufruit de la baronnie de Saint-Maur à son surintendant, Jean Hérault de Gourville, à qui il doit la reconstitution de sa fortune. Financier habile formé par Fouquet et excellent administrateur, Gourville gère l’ensemble des domaines du prince tout en achevant le château de Saint-Maur, dont il fait dessiner les jardins par Le Nôtre. Il y reçoit Madame de La Fayette dont il est amoureux, Madame de Sévigné et le duc de La Rochefoucault.

De 1700 à 1706, le petit-fils du Grand Condé, qui a épousé Louise de Bourbon, fille de Louis XIV, agrandit les jardins et organise chaque année de somptueuses fêtes avec spectacles, musique de Couperin, automates et feu d’artifice sur le grand bassin. Il y accueille son cousin le Grand Dauphin, fils de Louis XIV, et sa cour, soit vingt-cinq princes, ducs et comtes.

Dans les années 1770, le jeune duc d’Enghien, qui sera enlevé et fusillé sur l’ordre de Napoléon 1er dans les fossés de Vincennes en 1804, passe son enfance à Saint-Maur. Il se divertit à commander la Compagnie d’arc.

À la Révolution, les Condé émigrent et leurs biens sont confisqués. Le château et ses dépendances sont loués à l’école vétérinaire d’Alfort qui y soigne les chevaux des armées républicaines. Des familles pauvres s’y installent. Le château est pillé puis mis aux enchères dans le cadre des ventes de Biens nationaux. Adjugé à Marx Berr, commissionnaire aux armées, il est démoli aussitôt pour financer l’effort de guerre. Une partie seulement du mobilier est sauvée et déposée au musée des Monuments français. Elle appartient aujourd’hui au Mobilier national.

Devenus un moment domaine impérial, le Grand Parc et le bois Guimier sont restitués au prince de Condé à son retour en France en 1814, ainsi que l’ensemble de ses domaines avec de larges compensations, ce qui lui permet de disposer du plus important patrimoine foncier français. À la mort du prince en 1830, Louis-Philippe impose son fils, le duc d’Aumale, pour unique héritier de cette immense fortune évaluée à 66 millions de francs-or, et Saint-Maur fait partie des domaines vendus sur décision du Conseil du roi pour régler les droits de succession.

C’est Jean-Charles Moynat, dernier régisseur du prince et futur maire de Saint-Maur, qui acquiert le Grand Parc où il perpétue la vie princière en organisant de grandes réceptions et de belles chasses. À sa mort en 1853, la Compagnie des chemins de fer de l’Est achète aussitôt le Parc, à travers lequel elle trace la ligne Paris-Bastille en 1856, puis entreprend de lotir les terrains du « Parc Saint-Maur » pour amortir une partie des frais de construction. D’autres grands propriétaires fonciers, d’abord exploitants agricoles, lotissent également leurs terrains et constituent peu à peu le Saint-Maur moderne : Adam qui crée Adamville dès 1847, Caffin, Didier puis Godard-Desmarets à La Varenne à partir de 1853, Estibal à La Pie vers 1860. Tous ne sont pas des spéculateurs : ainsi les « lotissements philanthropiques » qui apparaissent à partir de 1864.

Du château ne subsiste que la terrasse, visible en partie haute du parc de l’abbaye, ainsi qu’une galerie d’adduction d’eau pour les fontaines des parterres nord du château (les préférés de Mme de La Fayette). Quant au parc, en-dehors de son nom, quelques voies ont conservé les tracés des anciennes allées : avenue de la Grange, avenue Paul Doumer, avenue Joffre, ainsi que l’étroite rue Viala qui longeait l’enceinte du parc, dont on reconnaît quelques pans de murs.

Pour en savoir plus : Thierry Deslot et Pierre Gillon, Lumières sur un château disparu : les princes de Condé et le château de Saint-Maur, Le Vieux Saint-Maur, 2021.

Localisation

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Dernière mise à jour : 24 avril 2025

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